Personnalités

Photographie de Henri Druey

Henri Druey (1799-1855)

Citoyen de Faoug, philosophe, avocat, homme d’action, premier Président vaudois de la Confédération en 1850, il est élu au conseil Fédéral en 1848 et y restera jusqu’à sa mort en 1855.

Il repose au cimetière de Faoug, au bout de la rue qui porte son nom.

 

Henri Druey est l’une des personnalités les plus remarquables qu’aie connu le canton de Vaud. Homme d’état et révolutionnaire, il a joué dans notre histoire un rôle déterminant.

Né à Faoug le 12 avril 1799, où ses parents avaient une auberge, il eut trois frères et deux sœurs.

Sa scolarité se déroula à Faoug, puis à Morat, Avenches et à 15 ans il partit à Berne, où il apprit l’allemand et le latin. Sa mère jurassienne parlait le français. Sa grand-mère Druey-Cornaz eut beaucoup d’affection et d’influence pour le jeune Henri.

Le pasteur Piguet et son épouse furent pour lui une rencontre capitale, ils furent, jusqu’à la fin de leur vie, des parents intellectuels et spirituels. Il obtint son brevet de capacité et la pratique des affaires chez le notaire Briod à Lucens.

Ensuite étude de philosophie, puis de droit à Lausanne où il obtint sa licence en 1821. Il poursuivit ses études en Allemagne où il fut élève de Hegel, puis à Paris où il côtoya Benjamin Constant, Metternich, Chateaubriand, avant de séjourner en Angleterre.

Retour en Suisse en 1826, avec un solide bagage. Ses voyages lui ont fait voir un monde plus grand que son canton.

On a peu d’échos sur ses premiers pas dans la vie active. Ayant obtenu son brevet d’avocat en 1828 et la patente la même année, il s’installa à Moudon. Il y rencontra Caroline Burnand, qu’il épousa en 1830. Ce fut un mariage heureux, mais ils n’eurent pas d’enfants.

L’homme

C’était un homme tourné vers l’avenir, un précurseur. Philosophe, il était un homme d’action, et homme d’action il se voulait toujours philosophe. Intellectuel, c’était un être émotif, mais réfléchi. Il faisait preuve d’inflexibilité et d’opiniâtreté dans la poursuite des résolutions prises. Même dans ses actes de passion il restait maître de lui.

L’homme politique

Armé de ses fortes connaissances, de sa grande puissance de travail, il fut rapidement un homme politique de premier plan dans le canton. Son habilité à pénétrer les besoins populaires se doublait d’une non moins grande maîtrise de l’expression oratoire. Il réunissait en effet deux qualités, l’émotivité et la réflexion. A l’époque, dans le canton, ils n’étaient pas nombreux ceux qui pouvaient prétendre à de telles qualités.

Lors de la révolution de 1830 et de la constituante vaudoise, il était député au Grand Conseil.

  • Il suggéra la représentation inégale des cantons à la Diète, proportionnellement à leur population.
  • Il participa activement à la lutte pour la liberté de culte et la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
  • Il préconisa les votations dominicales pour que les travailleurs y participent.

Député à la Diète, il dut se rendre à Lucerne, alors Vorort ; ce fut ses débuts en politique nationale et cela accrut sa popularité.

Il s’occupa du problème neuchâtelois ; à son avis le peuple n’hésiterait pas à quitter le roi de Prusse pour se rattacher complètement à la Confédération, et il ne se trompait pas. L’aristocratie neuchâteloise et bernoise tenta d’ébranler et d’anéantir, par les moyens les plus divers, l’influence énorme qu’il exerçait sur l’esprit de ces concitoyens vaudois et confédérés. Il défendit les milieux ruraux, contre les citadins lors de sa mission à Bâle.

Le problème de la révision du Pacte Fédéral de 1815 est à l’origine de la scission entre Druey et le juste milieu. Il provoqua aussi la naissance du radicalisme et fut longtemps le germe de divisions gauche-droite.

Il a combattu en vain pour une constituante, et c’est grâce à des hommes tels que Druey, Troxler et Fazy que l’œuvre de 1848 put être menée à bien.

Le journal lausannois, dont il fut directeur, fut le véhicule de sa pensée, l’instrument de sa popularité et l’agent de la victoire du radicalisme.

Il prenait parole lors de tirs fédéraux, la seule tribune où les hommes politiques pouvaient s’adresser à un large public accouru de toutes les parties du pays, même des cantons où il n’y avait pas la liberté d’expression.

Il créa la situation de départ, d’où découlèrent les événements de février 1845. C’est au sommet d’une échelle qu’il s’adressa aux Vaudois. Son but était clair:

  • s’appuyer plus largement sur le peuple et reconstituer l’édifice gouvernemental et administratif,
  • faire triompher dans tous les domaines la souveraineté populaire.

La révolution à peine terminée, Druey partit pour Zurich, où se tenait la Diète extraordinaire, la difficulté fut la reconnaissance de la députation vaudoise et le gain de voix des cantons catholiques du centre.

L’année suivante, en 1846, on accusa Druey et les Vaudois d’avoir participé directement à la révolution de Genève animée par James Fazy.

En politique fédérale, il eut un rôle déterminant dans la nouvelle constitution, tout en assurant le fondement juridique de la formation du nouvel état. 

1848

Le 6 novembre 1848, la première Assemblée fédérale du nouvel Etat fédératif suisse est convoquée à Berne. Druey n'est pas présent: le 27 septembre, malgré son statut indiscutable de numéro 1 vaudois, il a refusé son élection au Conseil des Etats; et cela fait dix jours que ses amis politiques répètent dans les couloirs qu'il ne viendra pas à Berne, trop attaché au Canton de Vaud et à son rôle de locomotive du Conseil d'Etat.

Cependant, l'Assemblée fédérale élit Druey au Conseil fédéral par 76 voix et le désigne dans la foulée, malgré l'incertitude qui règne sur son acceptation, vice-président du Conseil fédéral. L'intention de lui forcer la main est manifeste: il a donné ces dernières années trop de preuves de sa supériorité pour que la Confédération puisse se faire sans lui à sa tête !

Le temps presse: trois conseillers fédéraux élus sont assermentés séance tenante. Trois autres le seront dans les jours qui suivent. Devant un si bel exemple, Druey pourrait-il encore se dérober? Escorté par ses amis, Druey quitte son domicile lausannois le 22 novembre, en début de soirée et, après d'ultimes discours, embrassades et vivats devant la poste de Saint-François, monte dans la diligence qui l'emporte à Berne. Au milieu de la nuit, l'attelage traverse Faoug endormi, là où Druey est né et a vécu sa prime jeunesse.

Arrivé à destination, son sens du devoir aura le dessus et Druey finira par accepter son élection. Dernier arrivé, il est naturellement le dernier servi quant au choix de son département: Druey prend donc le dernier portefeuille à disposition: Justice et Police, ce qui ne lui déplaît pas en sa qualité de juriste. Dès le 27 novembre 1848, le premier Conseil fédéral de l'Histoire peut se mettre au travail.

1849

Dès cette date, le Chef du Département de Justice et Police devra s'occuper du problème des réfugiés: les révolutionnaires du Grand Duché de Bade mis en déroute par les Prussiens et ayant demandé l'asile aux cantons de BS, AG et SH, ainsi que les réfugiés italiens mis en fuite par la défaite du roi de Sardaigne contre les Autrichiens et débarquant au Tessin et dans les Grisons.

Durant toute l'année 1849, Druey mène une action épuisante contre ces trublions dangereux (de nombreux meneurs seront d'ailleurs expulsés), contre certains gouvernements cantonaux qui les soutiennent et contre les pays voisins, furieux du refuge que la Suisse offre ainsi à la sédition. Le reste de son temps, Druey le consacre à la mise en forme de projets de lois.

Le 17 décembre 1849, les Chambres fédérales portent Druey à la Présidence de la Confédération pour l'année 1850. Mais une cabale menée par ses adversaires assombrit un instant sa joie: il ne passe qu'au second tour et par 76 voix seulement sur 142. Il paie là les expulsions de républicains allemands ainsi que son prétendu "manque de dignité" face aux souverains étrangers.

Ensuite de son élection à la présidence, Druey doit alors quitter le Département de Justice et Police et devient, comme l'usage le veut, chef du Département politique pendant son année de présidence.

1850

Le climat politique est extrêmement tendu entre les radicaux (tenants du pouvoir) et les conservateurs. La mainmise des radicaux dans toute la Suisse n'est pas bien ressentie, en particulier à Fribourg.

Malgré quelques défaites électorales du parti radical, Druey excelle toujours dans ses discours de cantine. A l'époque, rien de tel qu'un bon discours à une assemblée de tireurs pour vous rapporter des brassées de suffrages!

Devant les radicaux bernois, Druey prépare sa réélection au Conseil fédéral prévue pour l'automne 1851 déjà. Mais son discours en faveur de la "démocratie socialiste" suscite les protestations indignées des rangs conservateurs. Il ne faut pas le cacher: Druey était un gauchiste de l'époque!

La fin de son année de présidence apporte à Druey deux satisfactions:

  • premièrement une réforme du protocole, selon laquelle le Conseil fédéral renonce à l'usage de faire complimenter les chefs d'Etat passant ou séjournant à proximité de nos frontières et
  • deuxièmement la signature d'un traité d'amitié entre la Suisse et la grande république d'Amérique du Nord, garantissant aux Suisses résidant aux USA et aux Américains fixés chez nous qu'ils seront traités comme les nationaux et qu'ils jouiront des libertés fondamentales des citoyens.

1851

Druey change à nouveau de département et devient chef du Département des finances. Il aurait préféré reprendre "Justice et Police", mais se rend vite compte qu'il a gagné au change: il dispose désormais d'un bureau pour lui seul, il a davantage de fonctionnaires sous ses ordres (12 contre 2), il est enfin débarrassé de nombreuses visites et autres audiences et peut accomplir son travail à un rythme paisible.

La tâche essentielle du Département des finances consiste alors à organiser l'unification des monnaies voulue par la Constitution fédérale de 1848. Il faut donner les ordres aux cantons de retirer et de fondre toutes les monnaies existantes afin d'y substituer les nouvelles espèces suisses. Les pièces de Fr. 1.- et Fr. 2.- manquent un peu partout, de même que les pièces de 1 centime très utilisées par les commerces.

En automne 1851, Druey est réélu au Conseil fédéral: il passe de justesse au premier tour de scrutin. Aimant se mettre en avant et appréciant avant tout les défis politiques, il quitte les Finances et retrouve Justice et Police.

1852

1852 sera pour Druey une année noire: des problèmes avec la France et les opposants au régime de Louis-Napoléon, des ennuis de santé à répétition, le décès de sa mère qui vivait auprès de lui depuis le décès de son épouse neuf ans plus tôt. Après quelques déboires dans divers dossiers traités durant l'année 1852, ses collègues du Conseil fédéral, jugeant qu'il n'est plus l'homme de la situation pour ce Département stratégique, poussent Druey vers la sortie et notre homme doit reprendre, à son grand regret, le Département des Finances en 1853.

A cette époque, des dissensions se font sentir à l'intérieur du collège gouvernemental. En effet, le tournus de présidence n'est pas encore automatique: la présidence change bien chaque année, mais le tour de présider ne revient pas forcément à tous les conseillers. Druey se bat pour instaurer cette règle et parvient à éviter ainsi une aristocratie de présidents.

1853

Sa santé, hélas, ne s'améliore pas. En outre, il doit emprunter de l'argent à sa marraine afin de rembourser de vieilles dettes que son traitement de ministre ne lui ont pourtant jamais permis de rembourser. Heureusement, au plan professionnel, son éloquence et sa présence d'esprit font toujours merveille. Druey reste une bête politique, adulée de ses partisans et crainte de ses détracteurs.

1854

Druey restera aux Finances en 1854. Il y fera exécuter par son personnel des monnaies le premier timbre-poste fédéral. Lors de la réélection du Conseil fédéral en 1854, il faut quatre tours de scrutin à Druey pour retrouver son fauteuil. Un autre conseiller sortant ne sera, lui, carrément pas réélu!

Pour la répartition des départements, les Bernois et les Zurichois s'entendent pour se répartir les postes stratégiques et Druey se retrouve encore une fois au Département des Finances, c'est-à-dire à l'arrière-plan.

L'hiver 1854-55 et son climat rude causent à Druey de graves problèmes de santé: rhumatismes, bronchite, inflammation aux yeux l'empêchant de lire et d'écrire.

1855

Dans la nuit du 17 au 18 mars 1855, une attaque d'apoplexie terrasse le Conseiller fédéral et le laisse à peu près complètement paralysé. Il s'éteint le 29 mars 1855. Trois jours plus tard, on l'inhume au cimetière de Faoug, en présence d'une foule immense. 

Textes issus :

  • du discours de Mme Christiane Druey rédigé à l'occasion de la commémoration du 150ème anniversaire de la Présidence de la Confédération par Henri Druey en 1850
  • du discours de Me Philippe Druey rédigé à l'occasion de la commémoration du 150ème anniversaire de la Présidence de la Confédération par Henri Druey en 1850
  • du livre "Henri Druey 1799-1855" d'André Lasserre (bibliothèque historique V.D. 949.47.V.D.1)
  • du livre "Nos excellences à Berne" de Bovard (Editions de Peyrollaz, 1997)

 

Edmond-Henri Crisinel (1897-1948)

Né à Faoug le 2 janvier 1897 et mort à Nyon le 25 septembre 1948, Edmond-Henri Crisinel est un poète, écrivain et journaliste vaudois.

Il fait ses études à Lausanne, où il se signale par sa culture littéraire, musicale et artistique. Après une année de préceptorat à Zurich (1919), il est atteint d'une grave dépression qui nécessite une hospitalisation. Après son rétablissement, il détruit ses poésies de jeunesse et commence une carrière de journaliste à La Revue de Lausanne. Il exerce ce métier pendant vingt-sept ans, même si de longues périodes de maladie entravent sa carrière.

À trente-neuf ans, il retrouve l'inspiration et écrit Le Veilleur (1939), Alectone (1944), Nuit de juin (1945), Feuillets du Sagittaire et Le bandeau noir (1949). À trois reprises, il regagne les maisons de santé et les hôpitaux psychiatriques et finit par n'entrevoir qu'une seule solution à son calvaire : le suicide. Il se donne la mort à Nyon le 25 septembre 1948[1].

Crisinel laisse une œuvre poétique peu abondante mais de grande densité : de courts poèmes en prose et une prose, Alectone, où il exprime son expérience de la maladie et de la folie avec une bouleversante intensité qui marquera à jamais la littérature romande.

Comme Gérard de Nerval, il est hanté tout au long de son existence par la difficulté de s'accepter tel qu'il est, refoulant notamment son homosexualité, et confiant à ses poèmes ses angoisses, ses démons et aussi ses rares périodes de rémission et d'espoir, qui s'appuie sur sa foi chrétienne, une vision quasi mystique de l'être. « Ma route est d'un pays où vivre me déchire », écrit-il dans son premier recueil, Le Veilleur. Il traduit son désir de transcendance en une langue ciselée, avec rimes et alexandrins.

Ses œuvres complètes ont été publiées à Lausanne chez deux maisons d'édition : Éditions l'Âge d'Homme (Poche Suisse) et Plaisir de Lire.

On lui doit une œuvre brève mais intense, explorant un univers intérieur marqué de l'empreinte de la folie, cette « marque de [sa] vie spectrale ».
Affecté par la maladie mentale, il fit plusieurs séjours en clinique psychiatrique, dont la Métairie à Nyon. C'est au cours d'un de ceux-ci qu'il se donna la mort en 1948.

 

Denis Perregaux-Dielf

Habitant actuel de Faoug et constructeur de bateaux, Denis Perregaux-Dielf a reçu le "prix culturel" des mérites Broyards 2013.

Vous trouverez un entretien qu'il avait eu avec René Cusin pour la Broye du 10 octobre 2013 (avant l'attribution des mérites), et un article de la Broye sur le départ de ses pèlerins du 13 février 2014.

Articles et photos publiés avec l'aimable autorisation de l'hebdomadaire "La Broye".